Dans l’est de la Libye, la tempête Daniel a causé une tragédie humaine et matérielle d’une ampleur difficile à appréhender, du samedi 9 au lundi 11 septembre. Les conséquences de cette catastrophe sont terrifiantes à Derna. Les pluies torrentielles qui se sont abattues dans la région montagneuse du Djebel Akhdar, surplombant la ville côtière, ont déferlé, emportant tout sur leur passage, après avoir rompu deux barrages submergés par des quantités d’eau gigantesques.
Cette montée des eaux a malheureusement emporté une partie des habitants de Derna, ainsi que des arbres, des maisons, des immeubles, des rues et des places, effaçant ainsi un morceau entier de cette ville qui comptait 100 000 habitants. Une immense cicatrice béante trône désormais au milieu de la cité. Oussama Hammad, Premier ministre de l’Est libyen, dont l’autorité n’est pas internationalement reconnue, a décrit dans une interview accordée à Al-Marsad, un média libyen, que dans cette ville « sinistrée », « des quartiers entiers ont disparu ». Selon lui, le bilan humain de cette catastrophe est de plus de « 2 000 morts » et de « milliers de disparus ».
Le ministre de l’Intérieur, Essam Abu Zeriba, s’est montré encore plus alarmiste, affirmant le même jour sur la chaîne satellitaire Al-Arabiya que « plus de 5 000 personnes seraient portées disparues à Derna » et que de nombreuses victimes auraient été emportées vers la mer Méditerranée. Ces estimations, bien que non confirmées par des sources médicales ou des services de secours, sont provisoires et ne tiennent pas compte des éventuelles victimes dans d’autres villes touchées par le déluge, telles qu’Al-Marj, El-Beïda ou Benghazi, la deuxième plus grande ville du pays.
Tawfik Al-Shukri, porte-parole du Croissant-Rouge libyen, a déclaré à Radio France Internationale que « nos équipes étaient présentes partout sur le terrain depuis les premières heures de la catastrophe, mais la situation à Derna reste la plus atroce ». Il a ajouté qu’il y aurait plus de 2 030 corps retrouvés et plus de 9 800 déclarations de disparitions, selon les chiffres communiqués par le gouvernement. Il a également expliqué qu’à Derna, cinq quartiers entiers avaient été complètement submergés par les eaux. Après les inondations initiales, ce sont les barrages qui se sont effondrés, coûtant la vie à trois membres du Croissant-Rouge qui tentaient de sauver des familles piégées par les eaux.
Après avoir traversé la Grèce, la Turquie et la Bulgarie, causant la mort d’au moins 27 personnes sur son passage, la tempête Daniel, qualifiée d’ « extrême en termes de quantité d’eau tombée » par les experts, a poursuivi sa route vers l’Afrique du Nord. Dans la nuit du samedi 9 au dimanche 10 septembre, elle a atteint les côtes de l’Est libyen, provoquant des pluies torrentielles et des vents violents sur une vaste région entre Benghazi et Tobrouk, causant d’importants dégâts humains et matériels.
Les nombreuses images partagées par les internautes libyens témoignent de la violence de la tempête. Dans la région d’El-Beïda, la crue a atteint par endroits deux mètres, engloutissant des maisons et emportant des voitures stationnées. Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux montrent des scènes d’horreur, avec des personnes emportées par les eaux et des routes éventrées, entravant considérablement les opérations de secours. L’accès à l’électricité et aux moyens de communication a également été gravement affecté.
Cependant, c’est bien à Derna que les dégâts semblent être les plus graves. Une vidéo montre un énorme gouffre au milieu de la ville, suivant le cours d’un cours d’eau descendant de la montagne vers le littoral, ainsi que des images de destruction à perte de vue. Derna, l’une des premières villes à être tombée aux mains de la rébellion lors de la révolution de 2011 contre le régime de Mouammar Kadhafi, est aujourd’hui considérée comme un bastion du djihadisme local. Bien qu’elle ait été le théâtre de plusieurs batailles au cours de la guerre civile, elle n’avait jamais connu une telle désolation.
Dans cette région montagneuse où les infrastructures sont rares et ont été gravement endommagées, les estimations sur le nombre de morts, de blessés et de dégâts matériels demeurent très partielles. La chaîne de télévision libyenne Al-Hurra a confirmé le décès d’au moins 25 personnes auprès de sources médicales, sans donner plus de détails. Un autre bilan communiqué par le porte-parole du général Khalifa Haftar, le chef de l’exécutif parallèle basé à Benghazi, faisait état d’ « au moins 150 personnes tuées à cause des inondations provoquées par la tempête Daniel ».
D’autres médias locaux ont rapporté des décès dans différentes villes et des dizaines de personnes portées disparues, dont huit militaires qui tentaient de porter secours aux sinistrés. Face à l’ampleur de la catastrophe, l’Armée nationale libyenne, qui contrôle l’est du pays, a été mobilisée sur ordre du général Khalifa Haftar pour venir en aide aux victimes. Une enveloppe de 200 millions de dinars libyens (environ 38 millions d’euros) a également été débloquée pour soutenir les communes touchées. Le gouvernement d’union nationale basé à Tripoli a appelé à prendre des mesures d’urgence pour faire face aux dégâts matériels importants.
Malgré les divisions politiques qui minent habituellement la Libye, plusieurs convois de véhicules d’urgence ont quitté la Tripolitaine pour se rendre en Cyrénaïque, aplanissant temporairement les dissensions politiques qui sévissent habituellement dans le pays. Les Nations unies en Libye ont annoncé suivre « de près la situation d’urgence provoquée par les conditions météorologiques extrêmes dans la région orientale du pays » et se sont dites prêtes « à fournir une aide humanitaire d’urgence pour compléter les efforts nationaux et locaux ». La France et la Tunisie ont également exprimé leurs condoléances suite à cette catastrophe.
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